Après avoir été le symbole de la France révolutionnaire, de la jacquerie
paysanne, puis celui de Peyot et de son grand Schtroumpf (excusez moi, j'étais obligée),
ce sont les Bretons qui s'emparent à présent du bonnet rouge. Et de défiler
dans la région toute entière, au cœur de la piste médiatique.
La Bretagne, c'est cette région au
passé tumultueux et à la culture verdoyante, vantée pour sa loyauté, ses
valeurs, son sens du travail, et fierté du made in France. La région qui
repoussa les Vikings sur la Loire en 937, qui connut, sous les duchés fastueux
de Jean IV et Jean V une prospérité de perfection, et qui fit résonner sur ses
terres les sabots d'Anne de Bretagne. Mère du FLB (le Front de Libération) dans
les années 70, elle n'en finit pas de se battre pour ses droits. Et,
aujourd'hui, elle enfile, une nouvelle fois, le costume de révolte : Le bonnet
rouge et le Gwenn ha du (drapeau noir et blanc).
Cette fois, c'est contre l'écotaxe
que se soulève la Bretagne. Il nécessite peut être d'apporter quelques
explications à propos de cette dernière. Idée lancée en 2007 par Nicolas
Sarkozy avec pour but d'engager la France sur la voie du développement durable,
elle voit véritablement le jour en 2008 avec la loi de Grenelle. Cette taxe
doit être acquittée par les poids lourds de plus de 3.5 tonnes (français comme
étrangers) qui empruntent les routes nationales, ainsi que certaines routes
départementales sélectionnées localement. Le montant de la taxe est calculé en
fonction du kilométrage parcouru sur ces routes, de la taille du véhicule et de
ses émissions polluantes. Elle s'élève en moyenne à 0.12 euros par kilomètre.
Elle a pour objectif de favoriser le report vers des modes de transports moins
polluants (tels que le train et le bateau). Par rapport à certains pays, comme
l'Allemagne et l'Autriche, elle n'a pourtant pas entraîné de réelles évolutions
dans le transport ferroviaire et fluviale. La Bretagne s'est, depuis le début,
soulevée contre cette taxe, laquelle apparaît au moment où la région est
entièrement bouleversée par la crise économique. Les routes bretonnes, de plus,
ne possèdent pas de péage. Les Bretons la jugent donc pénalisante pour la région,
éloignée du cœur de l'Europe.
L'on ne pourra pas nier, ici, toute
ressemblance avec le soulèvement de 1675, époque brillantissime du règne de
Louis XIV. Pas d'écotaxe en ces temps là, mais du papier timbré. Autrefois, la
Bretagne était la seule région à pouvoir prélever l'impôt. Et Colbert,
argentier du monarque, ne se privait pas de l'assommer de taxes fiscales. La
nouvelle taxe visant le papier timbré apparaît ainsi comme la goutte d'eau qui
fait déborder le vase. Et c'est une meute de paysans et de soldats qui marche
sur les terres du seigneur, pleine de rancune et de désespoir. Meute condamnée,
emprisonnée, exécutée.
Mais quand Versailles disparaît,
c'est donc Pais qui foule la Bretagne à ses pieds. Car la Bretagne n'en peut
plus de ce drame qui n'en finit pas et qui le poursuit depuis tant d'années. A
ce mouvement de masse animé par Thierry Merret, leader finistérien de la FDSEA
(syndicat agricole), s'ajoutent tous les manifestants économiques, ainsi que
tous ceux qui se battent pour les emplois menacés. Salariés, agriculteurs, pêcheurs,
commerçants, transporteurs, petits et grands patrons, élus, syndicalistes, des manifestants
défilant par milliers et qui vont jusqu'à semer de la violence sur leur
passage, brûlant les récoltes et détruisant les portiques d'une valeur de 500 000 euros. Une révolte légitime des petits contre l'impôt injuste
des grands.
Cette révolte suffit, non pas à
supprimer l'écotaxe, mais à faire reculer le gouvernement pour une question de
quelques mois. Il faut bien l'avouer, cet impôt censé combattre les pollutions
est bien loin de faire régresser les problèmes climatiques, et la fonte des
glaciers en Antarctique n'en ressent pas moins d'effets. Quant à la révolte des
bonnets rouges, elle n'est pas seulement celle d'une Bretagne effondrée, mais
le reflet de toute la France. Lasse et écœurée.
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