vendredi 19 décembre 2014

Un conte de Noël



Et oui, encore une fois je me creuse la tête pour vous trouver un article sur Noël (l’année dernière, vous avez eu droit à la liste des cadeaux les plus pourris à offrir qui, j’espère, vous ont bien servis pour vous débarrasser de votre grand oncle André !) Enfin, c’est bientôt les vacances, et je suis trop fatiguée pour vous élaborer un article époustouflant sur les origines et les conséquences sociales de Noël. Du coup, je viens vous faire l’apologie du Père Noël, qui est en grande difficulté cette année…

  Pourtant, sa carrière avait plutôt bien commencé ! Bon, avouons qu’elle est basée sur quelques légendes assez superficielles, mais qui le mettent en valeur. Non, désolée, le père Noël n’est pas né au Pôle Nord, auquel cas il n’aurait eu aucun intérêt de quitter son igloo pour atterrir dans notre incroyable société industrielle. En vérité, le père Noël est issu d’une famille assez aisée d’Amérique du Nord (à l’époque, les Californiens n’étaient pas aussi bronzés qu’aujourd’hui…) Fils d’un PDG d’une immense production de pétrole, il avait déjà bonne réputation tout au long de sa scolarité qu’il a exercé brillamment (il a passé l’équivalent d’un bac ES spé maths qui lui sert aujourd’hui à gérer tous les bénéfices de sa production !) D’ailleurs, il serait certainement devenu un grand économiste dont les principes seraient en vigueur dans le monde entier aujourd’hui, si une dispute assez virulente avec son père ne l’avait contraint à aller s’exiler au Pôle Nord. Nous ignorons totalement les motifs de cette dispute que le Père Noël tient à garder secrète (mais les nouveaux moyens d’investigation de Closer pourraient bientôt nous mettre sur la voie !) Cependant, en véritable combattant, le père Noël qui portait encore en lui le rêve américain, décida de créer sa propre société. Il réfléchit des jours et des nuits entières avant de trouver l’idée miraculeuse : Rendre les enfants heureux ! (et son compte en banque également, si possible). Emballé par ce choix ambitieux, il a tout de suite mis toutes les chances de son côté, en commençant par contacter des sociétés capables de lui venir en aide financièrement (rappelons que son ex était alors la directrice de la société Coca-Cola). De nombreux individus du monde entier et de tous les âges ont répondu à son appel et, au bout de quelques années seulement, son entreprise était déjà une Grande Entreprise de plus de 300 salariés, au point qu’elle a du récemment étendre des filiales à Taïwan. Vous connaissez la suite : aidé par un envol de la publicité, son essor a été immédiat, autant dans le cœur des enfants que dans ceux des adultes, et même des grands industriels qui, grâce à lui, peuvent vendre par milliers musiques et œuvres cinématographiques à son effigie (mais il en reverse les bénéfices à la Croix Rouge car son emploi du temps ne lui laisse pas l’occasion d’offrir des cadeaux aux Africains). De plus, le père Noël est adulé par tous les partis politiques : Chez les socialistes, il incarne les valeurs du partage et de la solidarité qui leur sont chers ; les Verts apprécient son traîneau tiré par des rennes qui développe un moyen de locomotion très écologique, tandis que la droite reconnaît en lui le courage de travailler même les jours fériés et bien au-delà de l’âge de la retraite (Macron partage d’ailleurs cet avis).
  Mais voilà, cette année, le conte de fée du Père Noël commence à battre de l’aile. Pour commencer, le changement climatique de ces derniers temps a beaucoup influé dans sa région du Pôle Nord, et il sera certainement bientôt contraint de délocaliser. (Il a commencé à négocier avec l’Algérie qui, paraît-il, lui offre une place assez intéressante). Cette année, il a également perdu de nombreux salariés, tous enchantés par la ruée vers le gaz de schiste, apparemment plus avantageux que la production de tablettes numériques et de poupées parlantes. Evidemment, cela a provoqué une baisse de sa production, et donc de ses bénéfices. Il n’est même pas sûr de pouvoir subvenir à tous les rêves de ses principaux territoires de ventes. J’ai entendu dire qu’il avait d’ores et déjà rayé la Russie de sa liste. « De toute manière, aurait-il déclaré aux syndicats de son entreprise, elle demande chaque année la même chose : plus de force diplomatique, et la possession de l’Ukraine. Sans rire, ils y croient encore ceux là ! » Son travail commence vraiment à le démoraliser. Essayez de le comprendre ! Avant, les enfants demandaient des choses tout à fait raisonnables : des oranges, des chevaux en bois, la paix dans le monde… Voilà maintenant qu’il lui faut investir dans une multitude de projets numériques qui, en plus de lui monter à la tête, lui sont bien plus onéreux qu’auparavant. Et je ne vous parle pas des lettres des enseignants qui lui demandent plus de reconnaissance du travail accompli et une nouvelle montée des salaires. Enfin, il a fini par couper entièrement les ponts avec le Medef (« Franchement ! s’est-il plaint à son conseiller en communication, si Valls aime tant que ça les entreprises, il n’a qu’à les aider lui ! »)
Dernièrement, le Père Noël s’est inscrit à Pôle emploi, où il attend avec espoir que lui soit libérée une place de roi mage (mais vu la polémique actuelle sur les crèches, cette tâche s’avère plutôt compliquée…)

  Tiens… Vous connaissez la sonnerie de Blaise Pascal qui vous somme d’aller en cours ? Quelques mots encore : ayez pitié de ce pauvre vieux Papa Noël qui vous a tellement gâté auparavant. Soyez gentil avec lui : cette année, ne lui en demandez pas trop, et au lieu de mettre sous le sapin une assiette de gâteaux très mauvais pour sa prostate, glissez lui un chèque quelconque…  Sur ce, joyeux Noël !

 

 

mardi 2 décembre 2014

Etre drôle



      Il y a quelques jours, j’avais la farouche ambition de vous parler de Rémi Fraisse. Et pas n’importe comment : je dois avoir plus d’une vingtaine de coupures de journaux rien que sur cette affaire, spécialement pour cet article ! Seulement voilà, il y a deux jours, mon rédac’ en chef est venu me voir avec un air désolé et m’a fait le coup du « Tu sais… Faudrait que tu fasses des articles un peu plus drôles sur le blog… Moins politiques aussi… Enfin moins sérieux quoi ! »
Bref, je suis censée être drôle. Là c’est le moment où je lève les yeux sur les sujets d’actualité, et tout ce que je vois c’est « Ebola », « Jouyet-Fillon », « remise en route du Japon »… Et si on s’arrêtait là ? Ce qui est sûr, c’est que si je veux être drôle et éviter la politique, ce n’est pas dans l’actualité que je vais devoir piocher ! Alors expliquez-moi de quoi je vais bien devoir parler hein ? C’est vrai, je n’ai même pas l’habitude d’écrire des articles hilarants ! Et puis comment est-ce que vous voulez être drôle quand même les clowns deviennent la plus grande menace de la France ? (Sauf que je ne vais pas vous parler de clowns méchants maintenant, puisqu’il est déjà prévu qu’on vous en fasse le récit dans le prochain journal papier).
Du coup, j’ai essayé de me renseigner un peu autour de moi. La fameuse question qui tue : Comment être drôle ? Mon petit frère m’a regardé avec un air innocent et m’a répondu « pour être drôle, je crois qu’il faut avoir ma tête. » Bref. De l’autre côté mes amies se sont lancées dans un discours philo-pathétique du style « Alors faut être naturel, ouais ouais, et puis ne pas se mettre de limites, enfin ne pas se prendre la tête quoi, t’vois ? Bref, just be you, quoi !
 » Je vois oui.
Mais ma réponse préférée, ça a été celle de Laurent Gilles  dans : Mauvaises Nouvelles :

-T’es pas drôle aujourd’hui.
-Tu sais, on peut pas être drôle tous les jours.
-Ah bon… Et pourquoi ?
-J’sais pas.
-On a qu’à jouer à être drôle.
-ça va pas être facile.
-Il suffit de pas être triste.
-Toi, t’es vraiment drôle.

Jouer à être drôle… Est-ce que ce ne serait pas le jeu de nous tous, finalement ? Est ce que ça veut encore dire quelque chose, aujourd’hui, être drôle ? Est-ce que vous trouvez vraiment amusant la blague machiste que votre copain vient de vous balancer ? Aujourd’hui, on rit, c’est vrai. Partout. Pour n’importe quoi. Pas vraiment parce que c’est drôle, mais parce que, au final, c’est tout ce qui nous permet de croire qu’on est vraiment heureux et qu’on accepte ce monde dans lequel on vit. Au 21ème siècle, être drôle, c’est savoir  vanner. Et vanner, c’est pointer du doigt un défaut, une aberration chez quelqu’un d’autre et tourner ça en ridicule. La dérision, en quelque sorte. Etre assez observateur et attentif pour remarquer le détail qui tue, rebondir dessus et lancer sa vanne. Enfin, tout un art quoi…
  On m’a dit aussi qu’il fallait être heureux pour être vraiment drôle. Je ne suis pas vraiment d’accord. Pour moi, ce serait plutôt l’inverse : être drôle pour être heureux. Ou au moins pour essayer de l’être. Vous savez, se donner cette impression à soi-même que l’on est parfaitement heureux rien qu’en amusant la galerie, ressentir cette impression d’être adulé, fort, invincible, parce que vous parvenez à faire sourire toute une salle. J’admire beaucoup les gens qui sont drôles (en convenant qu’ils sont réellement drôles et qu’ils ne se limitent pas à des blagues carambars, évidemment). Pas ceux qui vous fatiguent à force de rire à leurs propres blagues tout au long de la journée, mais plutôt ceux qui en font une bataille. Celle d’être heureux et de rendre les autres heureux. Regardez Charlie Chaplin. Je vous ferai grâce de toute sa biographie ; le fait qu’il n’était pas l’homme le plus heureux du monde ne nous est plus inconnu. Et pourtant, ça ne l’a pas empêché de faire rire aux éclats toute une génération, et de nous amuser encore aujourd’hui. Pour la simple raison qu’arrêter de rire, et de faire rire, ce serait replonger dans la réalité ; celle où les manifestants se font tuer par les gendarmes, où la courbe du chômage et de la croissance ne cessent de plonger, et où même les smileys sur votre téléphone ont un sourire recourbé. Parfois, je me demande à quoi pensent ces gens quand ils font rire les autres. Est-ce qu’ils ne sont pas soulagés ?  Soulagés de voir que les gens peuvent encore rire, alors qu’on nous assène partout que la France est de plus en plus triste ? C’est bien pour cette raison qu’on nous passe en boucle des émissions censées nous ramener à la joie de vire. Imaginez cet entretien avec Ruquier :

-Allô Laurent ? C’est Cath’ ! Tu sais pas quoi j’ai une idée de dingue !
- Si c’est encore un débat littéraire crevant à 23h t’oublie…
-Naaaan mais t’as pas compris ? On va faire rire les gens ! Chopes nous 2 ou 3 humoristes amateurs et les gens redeviendront heureux !

(On appellerait ça : dialogue entre Ruquier et Barma sur la façon d’être heureux. Interdit à la vente)
Ce qui fait que, aujourd’hui, on rit en regardant les délires de Kev Adams, ou les émissions de télé-réalité sans intérêt (Oooo regarde c’est trop drôle, elle a glissé en sortant de la douche parce qu’elle a vu que son ex la trompait avec sa meilleure amie sauf qu’il peut pas la tromper puisqu’ils sont plus ensemble à à mourir de rire !)

Enfin bref, il est midi passé, et j’ai faim. Trop pour essayer d’être drôle. Mais vous savez, être drôle c’est excellent pour la santé. Il paraît que ça rallonge la durée de vie. Que ça vous fait les habdos aussi. Ou, tout simplement, que ça vous permet d’être heureux.


NB : Je rappelle à mon cher rédac en chef que la médiocrité de cet article est entièrement de sa faute… et qu’il a malencontreusement oublié de me limiter au niveau des caractères ;)